#18 – Love Devotion Surrender – Carlos Santana Mahavishnu John McLaughlin

Il y a des disques qui donnent envie de prendre un billet pour Katmandou… et puis il y a Love Devotion Surrender.
Juillet 1973 : Carlos Santana et John McLaughlin se pointent, crâne lisse et regard habité, comme deux moines armés de Gibson. Pas pour jouer un boogie-woogie de fin de soirée, non : pour livrer une messe électrique, quelque part entre Coltrane, les Upanishads les Upanishads et une transe lumineuse.

À la base, ce n’était qu’une idée un peu folle : deux disciples du maître spirituel Sri Chinmoy rendant hommage à A Love Supreme. Mais au lieu de flûtes en bambou et bols tibétains, ils empilent les amplis, invitent un commando de jazzmen (Khalid Yasin [Larry Young], Billy Cobham, Jan Hammer, Michael Shrieve…) et enregistrent une demi-heure de lumière compressée sur vinyle.


Un disque qui ne choisit pas son camp

Le rock ? Trop propre.
Le jazz ? Trop carré.
La fusion ? Trop sage.

Santana et McLaughlin préfèrent la zone floue, celle où Naima se joue comme une prière à la bougie, et où The Life Divine explose en solo staccato façon mille étincelles. On sent deux esprits qui ne cherchent pas à briller plus que l’autre : Santana reste ce conteur au vibrato chantant, McLaughlin cette mitraillette de notes impossible à suivre… et pourtant, les deux s’écoutent, respirent, se laissent la place.

Si vous mettez un casque (et un peu de patience), l’album devient presque un duel d’escrime : Santana à gauche, McLaughlin à droite. . C’est un mixage simple, mais ça donne l’impression que chaque note vous frôle l’oreille avant de repartir en orbite.


Méditatif, mais électrique

Oui, la pochette arbore Sri Chinmoy, et oui, il y a un parfum de méditation dans l’air. Mais n’imaginez pas un disque calme où l’on somnole en tailleur sur un coussin de yoga. Love Devotion Surrender vibre d’une énergie tendue, presque électrique — ça pulse, ça sue, ça se tend comme une corde prête à claquer sous un orage.

Santana, profondément marqué par la musique de John Coltrane, cherchait à canaliser cette lumière spirituelle dans ses guitares. McLaughlin, de son côté, voulait fusionner la rigueur du jazz avec la puissance brute du rock. Le résultat ? Un rituel sonore intense, presque mystique, où l’on sent la ferveur d’un voyage intérieur autant que la force d’une explosion musicale.


En 1973, l’album a dérouté : trop rugueux pour les fans de Santana, trop rock pour les puristes jazz. Aujourd’hui, il s’écoute comme une météorite spirituelle : unique, imprévisible, et toujours incandescente.

Un conseil : mettez le disque en fin de soirée, volume généreux, lumière basse. Vous comprendrez vite pourquoi Love Devotion Surrender n’est pas seulement un hommage à Coltrane, mais un rendez-vous avec quelque chose qui dépasse la musique… et peut-être vous aussi.

images issues du site : Musicians – Sri Chinmoy’s official site et Hugh Lelian Browne

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