#20 – Qu’est-ce que tu vas faire – Bill Deraime

Entre blues hexagonal et fusion un peu bancale

Il y a des disques qui s’imposent d’emblée, qui claquent à la première écoute comme une évidence. Et puis il y a ceux qui laissent planer un doute, une zone grise où l’on se demande si on a affaire à un coup de génie discret… ou à une tentative sympathique mais pas complètement transformée. Qu’est-ce que tu vas faire de Bill Deraime se balade justement dans ce no man’s land musical.

Un disque charnière dans la carrière de Deraime

Sorti en 1981, Qu’est-ce que tu vas faire est le troisième album studio de Bill Deraime, et sans doute celui qui l’a véritablement propulsé sur le devant de la scène grâce au titre « Babylone tu déconnes », devenu son hymne officieux. Ce disque marque un tournant : le blues français trouve ici une forme plus accessible, capable de séduire au-delà du cercle des initiés. Deraime ne s’y aventure pas seul : il s’entoure d’une formation solide avec Lionel Gaillardin, Daniel Schnitzer (anciennement du groupe Il était une fois), le batteur Charly Guedj, l’harmoniciste Chris Lancry et même une section de cuivres affiliée à l’univers Higelin. Cette combinaison donne à l’album un relief particulier, où le blues se teinte de variété, de rock et de chanson française.
Source : Le Deblocnot.

Le blues de Bill, entre sincérité et costume trop grand

Bill Deraime, figure du blues français, a toujours eu ce talent de poser sa voix râpeuse sur des textes simples et directs, avec ce parfum de sincérité qui fait qu’on lui pardonne beaucoup. Sur cet album, il semble chercher un équilibre instable entre ses racines blues, un goût pour la chanson française et une touche de variété assumée. On a parfois l’impression qu’il endosse des habits qui ne sont pas vraiment les siens.

Ici, on croit entendre du Charlélie Couture dans la manière de sculpter un groove un peu bancal, du Eddy Mitchell dans certains élans rock’n’roll feutrés, ou même un soupçon de Bashung dans les envolées plus sombres. Mais jamais vraiment jusqu’au bout. On reste dans un entre-deux : assez proche pour reconnaître l’intention, jamais assez incarné pour atteindre la même intensité. Un peu comme les fusions aléatoires de Goten et Trunk, on sent qu’il manque ce petit quelque chose pour rendre l’ensemble vraiment cohérent.

Le charme discret des maladresses

Cela dit, c’est aussi ce flottement qui fait le charme du disque. Qu’est-ce que tu vas faire n’essaie pas de séduire à coups de tubes calibrés. C’est un album qui parle en aparté, qui gratte doucement derrière l’oreille plutôt que de bousculer frontalement. Et si certaines pistes paraissent inabouties, d’autres révèlent au fil des écoutes une chaleur et une authenticité qu’on ne peut pas feindre.

En somme, Bill Deraime signe ici un disque à son image : imparfait mais sincère, parfois maladroit, mais toujours porté par une voix et une présence uniques.

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